Lettre ouverte – Affaire des perquisitions à la Grève du Climat: Que fait le service de renseignement cantonal (SRCa) dans un prétendu délit d’expression publique ?

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Lettre ouverte à la conseillère d’Etat en charge du département de l’environnement et de la sécurité, Madame Béatrice Métraux

Madame la Conseillère d’Etat,

Comme vous le savez sûrement, le 26 mai dernier, trois militants de la Grève du Climat ont été perquisitionnés aux aurores à leur domicile par la Police judiciaire fédérale pour une lettre ouverte publiée un an plus tôt.

Les perquisitions ont été ordonnées par le Ministère public de la Confédération en raison de la commission d’un prétendu délit d’expressionconsistant à publier, avec l’en-tête de la Grève du climat, une lettre ouverte au gouvernement, au DDPS et à l’Armée suisse, ainsi qu’un communiqué de presse le 11 mai 2020, appelant à faire « grève militaire » pour des motifs politiques (lettre ouverte et communiqué de presse en annexes). Cet acte expressif relève à l’évidence de la liberté d’expression, garantie à l’art. 10 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il ne peut être réprimé dans une société démocratique sans violer la liberté d’expression.

Ces mesures de contraintes et le déploiement de ce dispositif policier, disproportionnés, pour réprimer un prétendu délit d’expression publique avait fait grand bruit dans la presse et avait ravivé le débat sur les techniques répressives utilisées face à un groupe d’opposition politique pacifique dans notre société démocratique. Cette intervention du MPC et de la Fedpol avait suscité des réactions indignées de politicien∙ne∙s, au Parlement fédéral, qui avaient souligné le caractère attentatoire pour les droits fondamentaux des mesures de contrainte exécutées, ainsi que le caractère disproportionné du dispositif policier, sans obtenir de réponse convaincante de la Conseillère fédérale responsable.

En fait, le 20 mai 2021, soit quelques jours avant la perquisition, le procureur fédéral en charge de l’affaire, M. Marco Renna, informait le procureur général du canton, M. Eric Cottier, par courrier postal de la prochaine intervention de police au domicile des militants.

Dans ce courrier, dont nous avons obtenu une copie, nous apprenions la présence et la participation d’un troisième acteur dans l’exécution des mandats de perquisition en plus des polices cantonales et fédérales : Monsieur D., inspecteur principal adjoint auprès du service de renseignement cantonal (SRCa).

Le service de renseignement cantonal (SRCa) est rattaché à l’état-major de la Police cantonale. Il effectue des missions de renseignement dans l’intérêt de la sécurité de l’Etat et est l’organe qui communique avec le Service de Renseignement de la Confédération.

La participation de cet inspecteur du SRCa lors de ces perquisitions prétendument ordonnées dans le cadre d’une procédure pénale contre les militants de la Grève du Climat pour une infraction d’expression publique (en raison de soupçon de présence de supports écrits, informatiques ou autres « ayant permis de commettre » (sic !) l’infraction), nous questionne grandement sur l’objectif poursuivi par la présence de celui-ci. Si le but de l’opération était limité à des mesures d’enquête sur le prétendu délit d’expression publique que constituait la lettre ouverte appelant à la grève militaire, pourquoi engager les services de renseignement du Canton dans la démarche ?

La participation de l’inspecteur D. dans l’intervention de police ne peut que renforcer nos craintes que la lettre ouverte ait été saisie comme prétexte, pour mener des perquisitions à des fins exploratoires, c’est à dire ayant en réalité pour but d’enquêter plus largement sur l’existence et le fonctionnement de notre mouvement social. Il va sans dire que de telles fishing expéditions sont interdites dans un Etat de droit.

Nous serions très inquiets si, par hypothèse, les services de renseignements de la Police cantonale vaudoise, dont vous avez la charge, avaient pu se permettre de telles libertés.

Nous nous permettons de nous référer à la réponse que vous avez donnée à la question de M. Pierre Zwahlen au Grand Conseil :

« Le SRCa ne recherche ni ne traite aucune information relative aux activités politiques ou à l’exercice de la liberté d’opinion, d’association ou de réunion en Suisse, conformément à l’article 5 de la Loi sur le renseignement. Les organismes sur lesquels le SRC est autorisé à rechercher du renseignement sont désignés par une liste évolutive qui est validée par le Conseil fédéral. Il n’y figure pas de parti politique suisse et le SRCa n’y déroge pas. Ce dernier n’a pas reçu de requête touchant des partis politiques suisses, des élus ou des mouvements sociaux respectant le cadre légal et, le cas échéant, il n’y aurait pas donné suite »

(Bulletin des séances du Grand Conseil, n° 107, séance du mardi 11 février 2020, p. 50, mise en évidence).

Nous vous serions donc très obligé∙e∙s de nous renseigner sur les motifs de la participation du SRCa aux perquisitions menées contre les militants de la Grève du climat par la police fédérale.

Nous vous serions également très obligé∙e∙s de nous communiquer si la Grève du Climat ou d’autres mouvements écologistes font l’objet de mesures de surveillance du SRCa, si le SRCa a reçu une requête concernant ceux-ci de la part du SRC, et à nous faire parvenir une copie de toute information collectée par le SRCa sur notre mouvement politique. Nous demandons finalement une transparence totale sur les potentiels actes de renseignement et d’espionnage menés à notre encontre.

Nous nous inquiétons également grandement de la préservation des droits politiques dans notre canton et par extension dans notre pays.

Si l’hypothèse des investigations exploratoires devait se confirmer, elle viendrait renforcer une atteinte déjà grotesque aux libertés de réunion et d’association (art. 11 § 1 CEDH) et d’expression (art. 10 § 1 CEDH) des militants concernés par les perquisitions et de l’ensemble des activistes de notre mouvement, intimidé∙e∙s dans l’exercice de leurs droits politiques. Nous ne pouvons que condamner fermement la politique répressive adoptée par les autorités. Nous exigeons par conséquent la création d’un organe de contrôle de la police, indépendant de celle-ci, pour la préservation des droits constitutionnels de l’ensemble des opposant∙e∙s politique de notre canton.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux, l’expression de nos salutations distinguées.

                                                                                 Grève du Climat Vaud

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