Il y a bientôt un an, la grève du climat voyait le jour spontanément dans les rues. Des mois suivaient avec un travail de mobilisation et organisation intensif dans les lieux de formation et au niveau national et cantonal qui donnait lieu à plusieurs manifestations qui mobilisèrent des milliers de personnes. Dans cette dynamique, nous avons entamé un travail de collaboration avec le conseil d’Etat vaudois, dans le projet du “Plan climat vaudois”. Une délégation a été intégré dans un projet qui se voulait participatif. Passé un premier moment d’enthousiasme, force fut de constater que les résultats ne seraient pas à la hauteur des attentes. Nous avons pu remarquer l’écart entre les objectifs de la Grève du climat, qui avait travaillé dans la formulation de lignes directrices et dans des centaines de mesures concrètes récoltées auprès de la population, et le manque de moyens économiques, humains et intellectuels mis à disposition pour résoudre la crise climatique. Le peu de séances de travail, la quantité restreinte de poste équivalent-travail à temps plein, un gouvernement ne saisissant pas les enjeux (preuve en fut les déclarations insolites d’une conseillère : « +1.5C° serait un nice to have? » ), la lenteur et la pesanteur des processus administratifs : tant d’obstacles qui, en s’accumulant, ont miné les espoirs de la Grève du climat et ont fait passé ce “plan climat vaudois” pour un simple coup de communication.
Ainsi, la Grève du climat Vaud, après avoir expérimenté ainsi certaines logiques dysfonctionnelles de l’appareil exécutif et du jeu institutionnel de l’intérieur, a dû se rendre à l’évidence et constater l’incapacité des structures gouvernementales actuelles de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. Dès lors, une réflexion plus profonde et radicale sur notre organisation politique, les différents blocages institutionnels et les objectifs à atteindre pour avoir une action qui puisse participer à sérieusement changer les choses s’impose.
L’écologie pour (re)penser les fondements de notre société
Tout d’abord, nous pensons important de souligner que nous ne réduisons pas notre pensée et nos actions à la crise climatique. Les problèmes écologiques se couplent à une crise sociale, avec des inégalités qui augmentent d’année en année, une augmentation de la précarité, ainsi qu’à une crise politique, une polarisation politique et réapparence de courants fascisants et violents qui divisent la société. L’inaction politique actuelle nous mène droit vers une crise écologique, politique et sociale d’une ampleur inédite, avec un coût humain énorme. L’urgence est réelle et il est dangereux d’imaginer que seule de petites mesures écologiques incitatives ou adaptatives, qui en plus renforcent les inégalités sociales et divisent ainsi davantage la société, puissent répondre aux multiples enjeux actuels. Nous refusons de nous appuyer sur l’espoir d’hypothétiques innovations technologiques: elles ne sauraient nous sortir des écueils dans lesquelles elles nous ont aujourd’hui méconduit-e-s. Nous refusons aussi des mesures de compensation qui s’inscrivent dans une dynamique impérialiste et renforcent les inégalités mondiales.
Ni une quelconque élection ni un quelconque parti ne pourra jamais apporter la transformation nécessaire à notre société. Il s’agit de reconstruire une manière de vivre qui soit réellement en accord avec les limites de notre planète, où tout le monde peut trouver sa place. Nous pensons que les dérèglements environnementaux ont des causes profondément politiques et sociales : toute réponse qui se veut à la hauteur des enjeux se doit donc de questionner radicalement notre système socio-économique et politique.
Pour une (r)évolution démocratique
Notre vision de l’écologie, ancrée dans le social, nous amène donc à redessiner les contours de notre organisation politique. Nous sommes persuadé.e.s qu’un changement radical de notre mode de vie et de l’organisation de la société est nécessaire pour être à la hauteur des défis actuels. Un tel changement restera impossible tant que nous restons figé.e.s dans une politique institutionnelle représentative basée sur une élite de politicien.ne.s. Le modèle politique actuel comprend des jeux de pouvoir entre partis et entre personnes de ces mêmes partis. Il est également carriériste et individualisé, ce qui l’empêche d’avancer des problématiques réellement importants pour la population. Nous ne nous posons pas la question de quel acteur, quel parti sera à la hauteur. Nous voulons remettre en question la structure-même ensemble. Il est maintenant important de donner la parole à toustes et de prendre de la distance avec le fonctionnement carriériste et individualisé du système politique existant. Ce que nous voulons apporter, c’est une autre idée de la politique. Nous imaginons une politique par le bas, qui s’émancipe des intérêts particuliers et des pressions économiques, une politique réellement démocratique. Nous proposons de choisir ensemble le monde dans lequel nous voulons vivre de manière collective et participative.
La grève du climat n’est donc pas ici pour proposer un programme miracle pour “sauver la planète”. Elle est ici pour appeler à une réappropriation DU politique qui dépasse LA politique institutionnelle. Nous voulons avant tout ouvrir le débat et débuter une réflexion profonde sur ce que nous voulons et comment nous voulons y arriver. Rien de figé donc, plutôt de nombreuses questions et une ouverture vers quelque chose de nouveau.
Une campagne combative, collective, participative et scientifique
La Grève du climat, dans son fonctionnement même, cherche déjà à repenser notre vivre ensemble. Pour continuer à traduire notre idée de l’écologie et de la démocratie, nous faisons donc une campagne collective, sans ériger une personne unique comme candidate à la compétition électorale. C’est pourquoi la personne qui figurera sur la liste sera tirée au sort parmi les membres du collectif. Nous défendons une gouvernance partagée des affaires publiques et pensons que c’est par l’intelligence collective que nous pourrons mettre en place les changements nécessaires pour atteindre les revendications que la Grève du climat s’est fixée.
Nous voulons, plus que jamais, nous appuyer sur un mouvement de masse prêt à passer à l’action en descendant dans la rue, en bloquant l’économie et en s’engageant dans des actions directes. C’est par un engagement massif dans la préparation de l’immense grève du vendredi 15 mai 2020, au même titre que la prochaine grève féministe internationale du 08 mars 2020, que nous pourrons espérer des changements structurels et des mesures à la hauteur de nos attentes. Ou encore par l’organisation d’alternatives au délire consumériste, telle l’événement du Black Free Day le 29 novembre, qui est la prochaine date à ne pas manquer !
En écho direct aux marches, actions et conférences organisées par notre mouvement, nous souhaitons porter une vision critique du système politique actuel et axer le débat sur les changements indispensables à notre survie. En parallèle, nous proposons une idée novatrice de la politique que nous voulons rendre accessible à toutes et tous, conditions sine qua non pour un réel changement radical et démocratique.